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Crise financière des startups : COMMENT SURVIVRE ?

Avec Jean de La Rochebrochard, Managing Partner de Kima Ventures


Jean de La Rochebrochard, dit J2LR, managing partner de Kima Ventures
Jean de La Rochebrochard, dit J2LR, managing partner de Kima Ventures


Jean de La Rochebrochard est Managing Partner de Kima Ventures depuis 2015. Grand argentier de l'univers des startups, il nous partage ici son état des lieux de la situation économique dans la french tech, et ses conséquences :


Dans un contexte économique actuel morose, avec moins de levées d’argent, qu’est-ce qui fait que certaines vont s’en sortir, et d’autres non ? En clair, en pleine crise financière des startups, comment survivre ?


Kima Ventures, créé en 2010 par Jérémie Berrebi et Xavier Niel, compte environ 1200 entreprises dans son portefeuille, et y ajoute environ 100 start-ups par an.


PETIT HISTORIQUE ÉCONOMIQUE DE LA FRENCH TECH


Depuis les années 2010, le marché de la French Tech a connu une croissance soutenue, pour atteindre des niveaux assez élevés en 2018-2019. Les années suivantes jusqu’en 2022, ont été marquées par une période d'euphorie, mais qui était une anomalie de marché : les start-ups ont pu lever beaucoup d’argent, très vite… et brûler tout aussi vite...


Résultat : des difficultés, des licenciements économiques, des crashs… Cependant, Jean de La Rochebrochard (J2



LR dans le milieu...) tient à positiver, le marché ne s'est pas pour autant soudainement asséché : il y a toujours de l'argent dans le Venture car les investisseurs se sont engagés à investir dans les fonds pour une durée donnée. Ce qui se passe, c'est plutôt un retour à des niveaux d'investissement plus normaux (on n’est pas à des niveaux d'investissement d'un marché en berne), et c’est plutôt sain !


À noter que dans un marché en pleine croissance, tout le monde est euphorique, et c’est propice aux excès, erreurs… Mais Jean souligne que monter une start-up n'est pas un jeu de hasard : cela nécessite discipline, talent, un alignement entre l'entrepreneur et son projet, et beaucoup de travail pour apporter du rendement au capital qui a été levé. Bref, il faut savoir gérer sa boîte comme un pro ! Et c'est un des problèmes rencontrés dans l'investissement en Venture : trop d'entrepreneurs se lancent en amateurs, sans réfléchir sérieusement à la viabilité à long terme de leur projet, et imaginent qu’ils seront la prochaine licorne. Ils devraient plutôt se poser les bonnes questions :

J'ai levé de l'argent, c'est quoi la boîte qui me ressemble, quelle boîte je peux créer qui existera encore dans 5 à 10 ans, et que je serai fier d'avoir créé.

COMMENT ÉVALUER LA SANTÉ FINANCIÈRE DES START-UPS


Argent brûlé vs Argent investi


D’abord, il faut bien faire la distinction entre argent brûlé et argent investi : ce qui importe vraiment dans le burn, c'est de savoir si chaque euro dépensé a été utilement burné, si c’est le cas, c’est qu’il a été investi :


  • Il y a des moments où on brûle parce qu’on cherche la bonne recette : en recherche du product market fit, en recherche de structuration de l’équipe Sales et marketing, en recherche d’un Go To Market efficient, etc.

  • Et à d’autres moments, on brûle parce qu'on met en place cette recette, et celle-ci génère du rendement.

Il faut donc faire la distinction entre les deux, et les entrepreneurs doivent faire attention à cela quand ils brûlent l'argent qu'ils ont levé auprès d'investisseurs.


Par exemple, Amazon a brûlé des centaines de millions de dollars pendant des années (comme Uber, Facebook…), mais au final le rendement est exceptionnel, l'argent n’a pas été brûlé, mais investi.


Les marqueurs de santé


Au niveau des ratios qui existent, on entend souvent que le niveau de chiffre d'affaires doit au minimum être égal au burn. Par exemple, si on brûle 200000€ par mois, il faut faire au moins 200000€ de chiffre d'affaires. Et idéalement, il faudrait que le burn se réduise à mesure que l’entreprise se développe.


Chez Kima Ventures, les équipes ne modifient pas les métriques qu'ils suivent, pour plusieurs raisons :


  • Ils laissent les entrepreneurs libres de leur reporting mensuel, qui est souvent défini en collaboration avec les co-investisseurs.

  • Et dans les jeunes start-ups, la mesure de capital efficiency est plus qualitative que quantitative. On peut avoir envie qu’elles n'embauchent pas trop, ne brûlent pas trop, qu’elles fassent attention au cash, mais en réalité, dans les débuts, c’est un peu flou pour savoir si elles vont dans la bonne direction ou pas. Il faut attendre un peu.


Mais dans tous les cas, chaque décision doit être réfléchie, avec un plan derrière pour s’assurer que cela aura un impact économique positif. Quelle que soit l'entreprise, quand elle dépense de l’argent, il doit y avoir un rendement sur cet investissement. Si le rendement est négatif, c’est qu’il y a un sérieux problème…


ÉVOLUTIONS POSSIBLES SUR 2024 / 2025


Si on regarde les crises passées, ou ce qui passe actuellement aux États-Unis, on peut essayer d’imaginer ce qui va se passer pour la French Tech en 2024 / 2025.


Jean voit plusieurs trajectoires possibles selon le type d’entreprise :


  • Celles qui sont très bien capitalisées (il y en a beaucoup dans le Next40 et le Next120) : ces entreprises sont sérieuses, elles ont levé beaucoup d’argent, et devraient passer avec succès ces moments difficiles. Certaines d'entre elles vont même émerger comme de très grands gagnants, comme Pigment et Pennylane qui aujourd'hui sont sur des trajectoires de croissance qui sont remarquables, et qui ont été très bien financées.


  • Il y aura des échecs, mais c’est vrai dans tout marché, et Jean estime qu'il y en aura moins que ce qu’on pourrait penser. Rares sont celles qui ont levé beaucoup d’argent et vont se planter, car la plupart ont réussi à retourner la tendance et vont devenir de belles boîtes.


  • Concernant les licornes, Jean se montre optimiste, car elles ont bien réagi malgré la difficulté de la situation.


Mais pour lui, la tendance qui va probablement grossir ces prochaines années, c’est une approche plus réaliste de la création d'entreprise :


  • plutôt que de simplement poursuivre le fantasme de devenir une licorne - qui reste l’exception, et n’est possible que dans certaines catégories et pour un certain type d'entrepreneur,

  • là, le principal objectif est de trouver le fit entre l'entrepreneur et son marché, trouver le product market fit, innover dans son secteur, et ensuite développer une entreprise autonome, à son image. Jean pense à quelques exemples de start-ups dans le portefeuille de Kima qui réalisent des performances exceptionnelles, qui ont pourtant eu des financements modestes, et qui sont en plus dans des secteurs qui ne sont pas faciles (assurance, travel…). Leur EBITDA est positif et certaines rachètent même d’autres entreprises.


La French Tech telle qu’on la connaît aujourd’hui, avec ses codes et sa culture, est relativement récente (15 ans maximum). Notamment, The Family et Y Combinator ont eu un fort impact sur les jeunes entrepreneurs, ils ont introduit du vocabulaire et un certain nombre de bonnes pratiques provenant de l'écosystème américain. Mais ces pratiques font partie d’un PlayBook pour créer des licornes, elles ne sont pas faites pour tous les types d’entreprises !


Jean le rappelle : le but du playbook est avant tout une inspiration avant d'être une règle. Il est là pour donner un référentiel, basé sur des paramètres spécifiques qui ont fonctionné dans le passé. Mais chaque entreprise fonctionne différemment, et en plus le marché évolue, les paramètres changent… Le playbook n’est donc certainement pas une règle stricte à suivre aveuglément ! D’ailleurs, dans leur portefeuille, certaines entreprises sont de véritables succès et sont rentables alors qu’elles n’ont pas forcément suivi ce que leur conseillaient certains investisseurs. Simplement, ce sont des entrepreneurs qui, à chaque fois qu'ils engagent une ressource, se demandent si cette ressource est bien employée. À l’inverse, d’autres ont suivi à la lettre les conseils d'investisseurs, brûlent tout ce qu'elles peuvent, mais ne s’en sortent pas à la fin.


LES ENTREPRISES QUI ONT PEU DE CHANCES DE S’EN SORTIR


Malheureusement, les excès des années précédentes vont avoir des conséquences pour certaines entreprises. Quelles typologies d'entreprises risquent de ne pas s’en sortir ? que ce soit pour des raisons économiques ou de comportement, de prises de décisions… Jean en distingue plusieurs :


  1. Celles qui avancent mais pas assez vite, pas assez fort, avec des economics vraiment moyennes. Du coup, elles ne crantent finalement jamais.


  1. Celles qui stagnent sans réelle avancée, et en fait elles galèrent depuis day 1. Elles n'ont jamais vraiment trouvé le product market fit, ou si elles l’ont trouvé, d'un point de vue Sales ça n’a pas réussi à bien cranter.


Attention à ne pas non plus tomber dans des conclusions hâtives. Jean estime qu’il faut 18 à 36 mois pour se faire une véritable opinion sur un entrepreneur, et voir si la boîte prend le bon chemin. Par expérience, les intuitions qu'ils ont sur les entrepreneurs sur les 12 / 18 premiers mois finissent par se révéler avec le temps qui passe, le temps qu’ils grandissent dans leur rôle. Finalement, ils sont rarement désagréablement surpris. Par exemple, Gorgias, une entreprise qu'ils ont financée en 2016, a connu une croissance impressionnante après quelques années difficiles. Mais ils avaient totalement confiance en son founder depuis le début, et savaient que ça se débloquerait à un moment donné.


COMMENT BIEN GÉRER SON PSE ?


Pour faire face aux difficultés actuelles, certaines start-ups se retrouvent contraintes à devoir licencier, faire des PSE (Plans de Sauvegarde de l'Emploi). Bien sûr, c’est difficile pour les founders et ce sont des situations qu’ils aimeraient éviter. Mais pour autant, Jean conseille d’assumer la décision (sans prendre de demi-mesures sinon il faudra recommencer dans 6 mois), d’y aller sans regarder en arrière, avec à la fois la volonté d'aider ceux qui partent, et avec la promesse de rendre fiers ceux qui restent.


Malheureusement, la culture française, qui protège fortement les travailleurs, peut parfois stigmatiser les entreprises qui mettent en place des PSE. Résultat : certains entrepreneurs vont le faire la peur au ventre, ou le faire plus ou moins discrètement. Il faut bien garder à l’esprit que cette opération a des bénéfices : ce n’est pas le début de la fin, mais plutôt le début de la survie pour les entreprises.


Il faut aussi bien avoir conscience que le milieu start-up est complexe et par nature risqué. C’est donc normal que parfois elles aient des difficultés, ou que leur projet n’aboutisse pas. Certains se réjouissent parfois des échecs de ceux qui ont essayé, ce n’est vraiment pas une attitude constructive… Mais comme dirait Jean : ce que ces gens ont oublié, c'est que si les pessimistes ont raison, ce sont les optimistes qui deviennent riches à la fin ! Car ils prennent des risques, ils croient en leurs projets, et s’ils sont bien placés dans n'importe quel écosystème, sur 2 à 3 cycles ils sont gagnants à la fin. Ce n'est pas antinomique de vouloir faire des boîtes rentables et sérieuses, et en même temps de croire avec un petit grain de folie que 2 personnes dans un studio peuvent lancer une boîte ! Et le job de Kima, ce n'est pas d'avoir raison, c'est d'y croire… et quand on y croit, parfois on va avoir raison, parfois on aura tort, mais ce n'est pas grave.


En plus, les gens qui partent de ces start-ups ont un niveau d'employabilité généralement très élevé, ce n’est pas comparable à une usine qui ferme. Ils vont très facilement rebondir.


QUELS PATTERNS POUR SURVIVRE ET PROSPÉRER ?


Quels patterns peut-on observer chez les entreprises qui parviennent à redresser la barre, ou à éviter la tempête (en mettant de côté les paramètres marché et economics) ? Que peut faire un founder ou un DRH ? Pour Jean, sur le côté people :


  1. D’abord, il faut trouver les bonnes personnes, et pour cela, il est important de recruter avec méthode. Certes, le cœur est essentiel, mais pas suffisant, il faut bien structurer la manière dont l’entreprise recrute. Selon lui, chaque embauche compte, et ce, peu importe le nombre d’employés : recruter quelqu’un doit rester hyper intentionnel, on doit savoir pourquoi on l’embauche, quel sera son rôle.


  1. Ensuite, quelle que soit la personne embauchée, elle a besoin d’être onboardée, accompagnée, managée, et qu'elle-même puisse accompagner ses collaborateurs, collaborer.


  1. Enfin, il ne faut pas se voiler la face, il faut être prêt à prendre des décisions difficiles quand c’est nécessaire. Par exemple, si un membre de l’équipe n’est pas au niveau, il faut oser s’en séparer. Laisser partir ces personnes non adaptées apporte de l'air à l'organisation, et cela bénéficie à la fois à ceux qui partent et à ceux qui restent, ce qui est essentiel pour maintenir une dynamique positive. D’ailleurs, Alexis connaît un mentor qui conseille systématiquement aux nouveaux entrepreneurs : lorsque l'équipe arrive autour de 40 / 50 personnes, séparez-vous des 3 ou 4 personnes sur lesquelles vous avez des doutes.


Jean ajoute deux autres points qu’il juge essentiels dans l’organisation :


  • Premier élément déterminant : s'assurer que leur entreprise repose sur des valeurs et des principes solides, car c’est cette vision, cette mission qui va rassembler les gens ensemble, et encore plus dans les moments difficiles. Bien sûr, ça ne doit pas rester uniquement sur la papier, il faut que ce soit documenté, appliqué, et que dans chaque décision qui est prise, il y ait des frameworks qui permettent de se poser la question si on est bien dans ces principes, et qu'on se challenge vis-à-vis de ça.


  • Deuxième élément déterminant : l'efficacité. On peut faire plus avec moins ! Les gens ont l'impression qu'en rajoutant de la ressource, ils rajoutent de la puissance, mais ce n'est pas vrai. Pourquoi ? Parce qu’il faut la gérer, il faut qu'elle délivre elle-même, et en fait c'est un ajout, de la gestion supplémentaire. Jean encourage vivement les entrepreneurs à d’abord optimiser leur quotidien pour être encore plus efficaces. Pour lui, l'efficacité entraîne souvent plus d'efficacité : plus on est efficace, plus on est intentionnel, plus on fait attention à la manière dont on passe chaque minute, et plus la minute suivante est efficace elle-même. Donc avant de se demander s’il faut embaucher quelqu'un, il faut d’abord se demander comment optimiser son quotidien pour être encore plus efficace. Souvent on rajoute des gens là où on devrait rajouter de la méthode. Pour être plus efficace, par exemple dans un call, un meeting, ou dans les questions après une conférence, Jean conseille de donner un timing limité aux gens, pour qu'ils aillent directement à l’essentiel. C’est à la fois se rendre service, et rendre service à la personne.


Les entrepreneurs qui vont survivre sont donc ceux qui ont des valeurs, et qui prônent l'efficacité plutôt que la ressource au sens strict du terme.


LE MOT DE LA FIN : DRH, FAITES-VOUS AIDER !


Dans ces périodes difficiles, les DRH sont beaucoup sollicités et peuvent se sentir un peu éprouvés par cette situation, surtout s’ils ont vécu des PSE ou ce genre de situations. Pour Jean, les DRH, comme les DAF, sont des fonctions rares et difficiles, et il estime qu'ils devraient bénéficier d'un meilleur accompagnement dans leurs rôles :

  • Déjà, cela permet d'enlever un peu de leur solitude, car c’est une fonction où l’on peut vite se sentir seul face à toute l’organisation ;

  • Ensuite, il encourage les DRH à regarder là où ils sont en pénibilité, là où c'est difficile, là où ils ne sont pas en maîtrise, là où ils ont du mal…pour se faire aider sur ces points-là.


Pour finir, un message aux DRH :

"C’est quand même dommage d'être en charge de gens qui eux-mêmes ont besoin d'être aidés, et de ne pas se faire aider soi-même… Alors, n'hésitez pas à vous faire accompagner, incluez-vous dans le plan de coaching, de formation ou de mentorat ! Surtout que de nombreux DRH seniors, expérimentés et très talentueux, sont maintenant indépendants et proposent du mentorat."

Vous pouvez contacter Jean sur Linkedin ou par mail : jean@2lr.com.



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