Avec Pierre Monclos, notamment co-auteur de Start-up, scale-up, licornes réinventent les RH (Editions Dunod)
Pierre Monclos, plus de 16 ans dans les RH dont 10 ans en tant que DRH dans la tech, partage désormais son expertise en tant que conférencier, auteur et formateur sur les évolutions RH.
Il nous livre ici les 3 tendances RH 2024 : transparence, flexibilité et travailler moins mais mieux
QUI EST PIERRE MONCLOS ?
Pierre Monclos a co-écrit avec Michel Barabel, Start-up, scale-up, licornes réinventent les RH consacré aux évolutions et aux innovations en RH. Sorti aux éditions Dunod en octobre 2023, ce livre a rapidement connu un succès, jusqu'à devenir un bestseller !
Pour l’écrire, ils ont interrogé 50 CEO et DRH de start-ups et scale-ups inspirantes sur des thématiques telles que la transparence, la flexibilité, la semaine de 4 jours, le recrutement, la rémunération, le feedback,... Leur ambition ? Comprendre :
Comment ont ils réussi en si peu de temps à atteindre des résultats aussi impressionnants ?
Est-ce transposable ou non ?
Quelles sont les limites de ce qu’ils ont mis en place ?
Et quelle est la valeur de ce qu’ils ont réussi à créer, et surtout, comment ?
La formation constitue maintenant la majorité de son temps, il crée des contenus, des formations, des conférences sur deux thèmes qui lui tiennent à cœur :
Les innovations et les nouvelles cultures RH : globalement, qu'est-ce qui change dans les entreprises, quelles sont les tendances qui impactent le métier de RH, et comment les RH doivent s'en emparer pour bien faire leur métier.
Les impacts de l'intelligence artificielle sur les RH : pour Pierre, de multiples applications très intéressantes peuvent être réalisées avec l’IA pour aider les RH.
Pierre était déjà venu une première fois sur le podcast du Human Factor de Yaniro en 2022, pour présenter des pratiques RH innovantes (transparence, ultra-flexibilité…) alors qu’il était DRH chez Unow. Il revient aujourd’hui dans un nouvel épisode pour continuer sur ce thème et faire le point sur :
Quelles sont les tendances RH innovantes qui ont percé ces 2 dernières années ? Et quelles perspectives se dessinent concernant ces pratiques pour 2024 ?
En 2022 / 2023, Pierre a observé dans les start-ups et les scale-ups (et dans une moindre mesure dans les entreprises plus classiques) trois évolutions culturelles majeures :
Plus de transparence ;
Plus de flexibilité ;
Et un nouveau rapport au travail qu’il appelle : le "travailler moins mais mieux".
TENDANCE RH N°1 : PLUS DE TRANSPARENCE
Définition
Déjà, qu’est-ce que la transparence ? Pour Pierre, une entreprise qui a une vraie culture de la transparence, c'est une entreprise dans laquelle - qu'on parle de stratégie, de finance ou de RH - au moins 50% des informations sont accessibles à tous les salariés (même s'ils ne sont pas managers, même s'ils n’ont pas X années d'ancienneté…).
Certaines entreprises pratiquent une transparence radicale, où la majorité, voire 95%, des informations stratégiques financières et RH sont partagées avec les employés. On peut citer par exemple Alan (qui a intégré la transparence dans sa culture dès le départ, et qui fonctionne toujours, même avec 700 employés), Shine, Partoo ou encore Zefir.
À noter que pour fonctionner efficacement et pour établir une confiance durable au sein de l'équipe, la transparence doit s’accompagner de clarté et de pédagogie - surtout si on touche à des sujets sensibles comme la rémunération. Vous pouvez écouter à ce sujet l'épisode avec Manu Wagner de Shine, qui met en lumière les avantages de la transparence des salaires sur le recrutement et la fidélisation des collaborateurs.
Bénéfices
Comme pour toute innovation RH, la transparence n’est pas une fin en soi, elle doit être pragmatique, on le fait POUR quelque chose. Dans le cas de la transparence :
L'objectif premier, c’est souvent de désiloter l'information, la fluidifier, et donc de responsabiliser tout le monde, de favoriser la collaboration, ce qui va faire progresser plus rapidement les équipes (qui vont faire moins d’erreurs). On le comprend, c’est donc particulièrement utile en période d’hypercroissance.
En effet, dans un environnement de travail où la transparence est la norme, il est plus facile pour chaque individu de comprendre les défis auxquels les autres équipes sont confrontées. Cette compréhension crée donc un terreau favorable à la collaboration et la construction collective - une valeur difficile à quantifier mais néanmoins très importante.
Cela évite beaucoup de communication proactive à gérer, puisque les gens sont au courant de tout - y compris les choses difficiles.
À ce propos, dans une période économiquement plus difficile comme en ce moment, la transparence évite des attentes irréalistes ou des comportements déconnectés de la réalité économique (on ne va pas demander 10% d’augmentation si on est au courant des difficultés économiques de l’entreprise…).
Une des principales conséquences, c’est que l’on montre ainsi qu'on fait confiance aux équipes, et qu'on veut sortir du lien de l'infantilisation (et donc éviter ce genre de réflexions : ah ben non toi tu ne peux pas avoir cette information parce que tu n’es pas là depuis assez longtemps…).
Important : on n’est pas obligé de passer à 100% de transparence, il faut regarder à quels endroits en ajoutant un peu de transparence, cela peut créer de la valeur sur un sujet qui est important pour l’entreprise, par exemple :
pour fidéliser les équipes parce qu'elles ne se sentent plus en confiance,
pour désiloter les équipes parce qu'elles communiquent mal entre elles, etc.
Situation 2022-2023
Jusqu’à présent, de nombreuses d’entreprises étaient réticentes à la transparence, car il existe cette crainte du risque de donner trop d'informations qui pourrait se retourner contre l’entreprise. Mais pour Pierre, ces cas sont vraiment rares, ce risque est largement surestimé si on compare à tous les bénéfices qu’apporte la transparence. D’ailleurs, même si Pierre savait qu’il perdait chaque mois une info stratégique partant à la concurrence, il continuerait quand même, tant la valeur créée est importante.
Heureusement, et notamment grâce à l’expérience d’Alan, ces bénéfices sont de plus en plus reconnus et beaucoup d’entreprises apportent désormais plus de transparence au sein de leur organisation. Pierre estime qu’environ un tiers des scale-ups ont cette culture de la transparence.
Perspectives pour les RH en 2024
Pour comprendre l’évolution qui se produit actuellement, il faut bien voir que la transparence est née dans un contexte où beaucoup d’entreprises étaient en croissance. Pendant ces périodes de scaling, la transparence, c’est facile ! Les nouvelles qui sont partagées sont plutôt bonnes… Tout est fluide.
Or, ce n’est plus le cas actuellement. Quand on commence à stagner, qu'il y a de la décroissance, qu'on n’atteint pas les objectifs alors qu'on avait fait des levées de fonds et qu’il commence à y avoir de la tension, ou encore quand l’entreprise commence à être en péril… Là, la transparence, c’est plus compliqué ! Pourquoi ?
Parce que cela oblige à assumer beaucoup plus de choses,
Et cela crée un comportement (très sain d’ailleurs) des salariés d'aller poser beaucoup plus de questions. C’est normal, s’ils ont accès à une information anxiogène, ils vont exiger des réponses : comment cela va impacter mon poste, mon salaire, etc.
Également, la transparence exige du temps et des ressources pour être correctement mise en œuvre : il faut non seulement partager les informations, mais aussi les expliquer, les archiver, faire du knowledge management pour que les gens puissent facilement trouver les infos, etc. Or, dans les périodes de difficultés économiques, les entreprises peuvent être confrontées à des contraintes de temps et de ressources qui rendent plus difficile la mise en œuvre de la transparence.
Dans ce contexte, Pierre observe 2 comportements opposés dans les entreprises :
Celles qui choisissent de garder la transparence :
Elles pensent que cela permet d'impliquer davantage les employés, et de renforcer ainsi la solidarité au sein de l'entreprise face aux difficultés. Mais c’est plutôt la minorité des entreprises (cela concerne surtout celles qui ont la transparence vraiment dans leur culture), parce que c’est difficile, notamment lorsqu'il y a des suppressions d'emplois. En effet, les employés ont tellement d'informations qu’ils vont aller consulter le CSE ou toutes les instances représentatives du personnel en amont de plans sociaux - qui peuvent vite se sentir dépassés. Mais ces entreprises font le choix de travailler au mieux avec les partenaires sociaux.
Celles qui réduisent le niveau de transparence :
On pourrait être tenté de critiquer ces entreprises, mais cette décision n’est pas nécessairement une mauvaise chose. En effet, si les informations divulguées de façon brute, sans accompagnement, sans explication adéquate ni de plan d'action clair, elles peuvent être extrêmement anxiogènes pour les employés (imaginez découvrir en temps réel qu’il ne reste que 3 mois de trésorerie…). Dans ce cas, cela ne crée aucune valeur pour eux, et il est plus judicieux de faire une pause dans la transparence, d'assumer cette décision et de communiquer clairement sur les raisons de ce changement de politique. Comme n'importe quel sujet RH, si ça ne sert ni la performance ni l'humain, c'est peut-être que le modèle n’est plus adapté, ne serait-ce que provisoirement.
En parallèle, Pierre a observé que des entreprises plus traditionnelles ont commencé à s'intéresser à la transparence. Alors elles ne vont pas jusqu’à la transparence des salaires qui est l'extrême, mais plutôt que de rendre tout confidentiel par défaut, elles commencent à mettre un peu plus de transparence à tel et tel endroit. Ensuite, elles regardent si cela crée de la valeur, et si c'est le cas, elles continuent pas à pas vers plus de transparence. Même si cela va peut-être prendre 5 ans ou 10 ans, Pierre trouve cette démarche très saine, et c’est une évolution positive et durable.
Il est donc convaincu que d'ici un an ou deux, on observera plus de transparence, bien au-delà de la tech.
TENDANCE RH N°2 : PLUS DE FLEXIBILITÉ
Définition
Quand on parle de flexibilité, cela concerne essentiellement 2 domaines :
Le temps / horaires de travail (y compris les congés),
Et le lieu de travail.
Être dans des horaires flexibles signifie qu’on n’a pas d'horaires de début ou de fin de journée : on commence quand on veut et on finit quand on veut. Attention, il ne s’agit ni de se la couler douce, ni de se sacrifier au travail : c’est plutôt dans l'état d’esprit de trouver un bon équilibre et ne pas “se prendre la tête” sur des horaires stricts, qu’on soit en présentiel ou en télétravail. Un rendez-vous chez moi avec un plombier le matin ? J’arriverai une demi-heure plus tard au travail, sans avoir besoin de poser ma matinée…
En ce qui concerne les congés, on ne parle pas spécifiquement de congés flexibles, mais plutôt :
Dans le cas extrême, de congés illimités,
Ou de congés supplémentaires, selon les besoins des employés.
Bénéfices
Pour l’entreprise : en permettant aux employés de gérer leurs impératifs personnels (qu'ils soient jeunes parents, proches aidants, ou simplement pour leurs loisirs… peu importe la situation), de se reposer s’ils ont besoin, et ainsi de maintenir leur bien-être, l'entreprise vise :
à fidéliser les employés,
et à garantir qu'ils puissent maintenir un niveau élevé de performance sur le long terme.
Pour les salariés : incontestablement, cette culture de flexibilité est bien accueillie par les employés, car elle offre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Attention cependant aux dérives : par passion, ou par pression, certaines personnes peuvent être tentées de travailler beaucoup trop (plus tard, le week-end…), surtout dans des périodes comme les levées de fonds où tout s'accélère. Ainsi, certaines entreprises ont dû préciser leurs politiques pour éviter que la flexibilité ne conduise à une charge de travail trop importante, et s’assurent que sur la semaine en moyenne, les employés travaillent un nombre d'heures raisonnable.
Situation 2022-2023
La flexibilité existait déjà avant le Covid, mais cette crise l'a vraiment accélérée, elle s’est étendue à toutes les entreprises, bien sûr dans des proportions différentes. Au début, cela concernait le télétravail uniquement, mais ensuite, c’est allé beaucoup plus loin, notamment sur le temps de travail et les congés.
À ses débuts, une start-up avec 2 ou 3 personnes va adopter cette flexibilité naturellement : en effet, ils ne savent pas quel sera l'avenir de l’entreprise, et ne vont donc pas se mettre de contraintes horaires particulières. S’il y a des moments où il y a plus de travail, ils travaillent plus, s’ils ont moins travail, ils réduisent leur temps de travail, tout simplement. C’est donc dans leur ADN dès le départ, et il y a un peu un mimétisme qui se crée, à savoir l’envie par les founders que dans l’équipe, comme eux, tout le monde soit un peu entrepreneur (là, attention aux effets de bords mentionnés ci-dessus).
Cependant, même en grandissant et en embauchant plus de salariés (même à des échelles de plusieurs centaines de personnes), certaines de ces entreprises réussissent à maintenir cette culture de flexibilité. Pour des entreprises qui ne sont pas dans la tech, garder cette flexibilité concernant les horaires tout en étant soumis à l'encadrement très strict du droit du travail, cela paraît tout simplement impossible !
Et pourtant, lors de l’enquête pour le livre, 75% des 120 start-ups interrogées considéraient être dans des horaires flexibles. La seule chose qui leur importe, c’est que le travail soit bien fait, ici, on s'intéresse plus à la qualité du travail, à l’output qu'à la quantité. D’ailleurs, cela n’a pas empêché ces start-ups de réussir et de faire des choses extraordinaires ! Par contre, il est probable que certaines entreprises, pour avancer sans être bloquées sur ces sujets, ne regardent pas trop le droit du travail en détails…
Attention, chaque entreprise est différente, et il est donc nécessaire d'adapter les pratiques de flexibilité à la culture spécifique de chacune. Pour illustrer cela, Pierre partage 3 exemples concrets liés aux congés illimités :
Aircall, où ils ont adapté, mais gardé les congés illimités : quand ils sont passés aux congés illimités (dans leurs entités aux USA), les gens posaient moins de congés. Pourquoi ? Parce qu'on n'ose pas trop, on culpabilise quand les objectifs ne sont pas atteints et que les autres équipes travaillent, etc. Alors que quand on a un solde, on sait qu’on les perd si on ne les prend pas… Et en analysant de plus près, ils se sont rendu compte que les managers posaient très peu de congés, et que le reste de l’équipe les imitait. Ils ont donc demandé aux managers de poser des congés, et les équipes ont suivi, ils culpabilisaient moins puisque les managers se permettaient de partir aussi.
Ignition Program, où ils ont abandonné les congés illimités, mais ont ajouté des congés supplémentaires à la demande : ils ont également constaté que les employés avaient du mal à prendre autant de congés qu'avec un système de solde traditionnel. Ils ont préféré sortir de cette logique qu’ils ne trouvaient finalement pas assez en phase avec la culture de l’entreprise. Ils sont donc revenus au mode classique des congés, mais pour garder l’esprit des congés supplémentaires, quand les gens en ont besoin et en font la demande, ils en ajoutent à leur solde. Mais au moins, avec ce système, ils sont sûrs qu'ils en posent un minimum.
OpenClassrooms, où ils ont aussi abandonné les congés illimités, mais incitent les gens à en prendre plus avec des primes : ils se sont aperçus que les gens ne prenaient plus de congés longs, car paradoxalement, avoir des congés illimités leur donnait la perception qu’ils n’avaient pas besoin de prendre de longs congés. Ils sont donc revenus sur des congés traditionnels, mais ont offert une prime de 1000€ aux employés pour qu’ils partent au moins 3 semaines consécutives.
Perspectives pour 2024
Pour Pierre, c’est un peu le chaos autour de la flexibilité, que ce soit en termes de lieu de travail, de télétravail, d'horaires ou de congés. Globalement, certaines entreprises ont considéré qu'elles étaient allées trop loin dans la flexibilité - surtout que ce n’est pas facile de démontrer la valeur créée par la flexibilité, il faut beaucoup d’indicateurs. Alors quand ça va moins bien, elles sont tentées de revenir en arrière…
Prenons l’exemple le plus marquant, le télétravail : pendant le Covid, le télétravail est devenu, par la force des choses, la norme. Après les confinements, il y a eu un mouvement de retour partiel au bureau, mais qui s’est fait un peu de manière précipitée, en tout cas plus vite que le temps d'adapter le travail dans les organisations. De plus, les gens avaient fait évoluer leurs habitudes de travail, l'asynchrone et la culture de l'écrit ont commencé à s'infuser petit à petit. Et quand ils sont revenus au bureau quelques jours par semaine, ils ont vécu certaines situations un peu absurdes : le jour où j’étais là, j’étais tout seul car les autres étaient en télétravail… il n’y a pas de réunion synchrone, du coup on n’a même pas pu échanger avec les collègues… etc.
Si on suit les experts du travail et de la tech à la Silicon Valley, ils prédisent que 2024 sera l'année de la fin du retour au bureau :
En raison des difficultés rencontrées lors du retour en entreprises, comme celles mentionnées ci-dessus.
Parce que certains dirigeants ont émis des jugements négatifs sur les télétravailleurs… Au moment où les équipes sont moins engagées, où les gens cherchent du sens, de la reconnaissance, forcément ils ne se retrouvent plus dans ce type de discours très traditionnel…
Aussi, collectivement, la plupart des gens ont goûté aux avantages du télétravail, il se sont rendu compte de l’absurdité de certaines règles qu’ils vivaient avant. Et là, il n’y a pas de retour en arrière possible vers un modèle traditionnel pur et dur. La valeur travail, “la vraie vie c’est le boulot”, ça c’est fini… Certains ne regardent même plus les annonces qui ne proposent pas de télétravail, ils ne veulent pas sacrifier leur vie perso.
Et enfin, les jeunes générations ont moins peur du chômage que la génération précédente, c’est une génération plus entrepreneuriale, plus dans la “débrouille”. La crainte du chômage aurait pu être la seule chose pour faire pencher la balance côté employeurs, et faire que les employeurs imposent leurs règles… mais ce n’est plus le cas !
Pour Pierre, il va y avoir encore un certain tâtonnement début 2024, un mouvement de balancier où les entreprises qui ont été trop vite et trop loin dans le retour au bureau, vont certainement remettre 1 ou 2 jours de plus en télétravail par semaine. Il y aura donc certainement un retour au télétravail, mais pas à plein temps.
D’ailleurs, il semble que le modèle idéal soit un équilibre entre le télétravail et le travail en présentiel, comme le montre l'exemple d'Alan où 75% des top performers sont ceux qui un bon équilibre entre les deux modes de travail (ce ne sont pas ceux en full remote, ni ceux à temps plein au bureau). Il est donc probable qu’à terme, on arrive finalement à cet équilibre dans la plupart des entreprises.
TENDANCE RH N°3 : TRAVAILLER MOINS MAIS MIEUX
Définition
Pour Pierre, on sort enfin d'un rapport à la valeur travail, car pour lui, le travail n'est pas une valeur.
Travailler moins mais mieux, c’est faire en sorte qu'on puisse atteindre les mêmes objectifs en moins de temps - et cela en remaniant toute son organisation, grâce à de nombreux leviers : la technologie, éliminer les temps morts, des réunions inutiles, des moments où on est inefficace, etc.
Attention, ce n’est pas du tout pareil que de compresser une semaine de 5 jours en 4 jours, où là on a 4 jours extrêmement denses, et 3 jours pour s’en remettre… À l’opposé, ce n’est pas non plus de la paresse…
Non, ici dans cette démarche, en optimisant l’organisation du travail, il est possible de rendre un peu de temps aux salariés. Certaines entreprises, comme Welcome to the Jungle, en repensant vraiment le travail à l'échelle de toute l'organisation, ont même pu regagner un jour de vie chaque semaine, et ont réduit le temps de travail à 4 jours, tout en gardant la même productivité sans mettre les gens en surmenage (pour plus de détails, n’hésitez pas à écouter l’excellent l’épisode avec Noëlla Gavier, DRH de Welcome to the Jungle). C’est la fameuse semaine de 4 jours ! C’est l’extrême, mais si eux peuvent le faire, les autres entreprises peuvent certainement faire un tiers ou la moitié de ce chemin.
C’est un processus qui peut être long, il faut parfois passer 6 / 8 mois le temps de trouver une nouvelle organisation qui permet d'atteindre les mêmes objectifs, en étant plus efficace avec des équipes plus reposées.
Bénéfices
Pour l‘entreprise :
C'est un argument pour attirer des candidats et fidéliser les collaborateurs, notamment pour celles qui n'arrivent pas forcément à rivaliser face à la concurrence et l’inflation des salaires dans la tech.
Les équipes sont moins fatiguées, elles sont donc plus efficaces sur les 4 jours de la semaine : c’est un cercle vertueux qui se met en place.
Pour les salariés : ils sont bien sûr plus épanouis, avec un meilleur équilibre vie pro / vie perso. C’est une réelle source de satisfaction pour eux.
Situation 2022-2023
Si l’exemple de Welcome to the Jungle est parmi les plus aboutis, beaucoup d’entreprises n’ont pas forcément les moyens de passer à la semaine de 4 jours, car c’est un chantier long et coûteux.
Certaines entreprises, qui voulaient passer à la semaine de 4 jours, ne peuvent pas réaliser cette étape principale qui est de réorganiser le travail et choisissent finalement d’autres solutions. Unow, par exemple, a eu un virage stratégique à faire qui était très dense, et n’ont pas pu mener de front les 2 chantiers, ils ont finalement choisi de rajouter des congés supplémentaires, pour redonner quand même un peu de temps de vie aux salariés.
Comme c'est un changement de paradigme très fort, et qu’il est difficile de se projeter dans le résultat final et de faire un plan pour y parvenir, d’autres entreprises vont un peu “forcer la machine”, de différentes manières :
Soit elles passent directement à la semaine de 4 jours, certes avec quelques dégâts mais elles acceptent que ça fasse partie du jeu.
Soit - et c'est une majorité des cas que Pierre a observés - elles y vont par étapes, en n’y passant pas trop de temps, en expérimentant et en apprenant au fur et à mesure. Par exemple, elles commencent à faire la semaine de 4 jours une semaine sur deux, ou elles ne donnent que les vendredis après-midi au début.
En fait, il y a tellement de choses qui sont complexes, contre-intuitives quand on fonctionne comme cela, qu’on ne peut l'apprendre que par la pratique. Faire un plan souvent ne fonctionne pas. Pierre conseille donc de s’y mettre avant d'imaginer comment ce sera ! C’est ce qui semble le plus efficace.
Perspectives pour les RH de 2024
Si le “travailler mieux mais moins” était encore très confiné au secteur de la tech il y a peu, Pierre note que d’autres secteurs commencent à tester cette approche, peut-être pas encore la semaine de 4 jours, mais au moins une réduction du temps de travail : des entreprises plus traditionnelles, mais aussi des EHPAD, la police, des collectivités locales… Aujourd’hui, on est à plus de 4000 entreprises en France qui sont à la semaine de 4 jours.
Et pour Pierre, ce n'est que la face visible de l'iceberg, d’autres entreprises ont trouvé d'autres manières de rendre du temps aux salariés, en arrivant à faire travailler moins mais mieux les équipes. Et ce phénomène est très largement amplifié par l'IA, d’ailleurs Bill Gates prédit que d’ici peu, nos enfants pourront travailler 3 jours par semaine. Pierre est convaincu que ça va aller dans ce sens.
Ceci étant, ce n’est pas parce que l’IA va nous aider en productivité et qu’on va pouvoir faire le même travail en moins de temps, que pour autant, toutes les entreprises vont réduire le temps de travail de leurs salariés. Pierre observe actuellement 3 types d’entreprises, qui suivent des approches différentes face à cette évolution :
Celles qui cherchent à augmenter leur productivité en travaillant davantage. Cela concerne encore peu d'entreprises, car le gain de productivité n’est pas encore énorme, mais Pierre estime que c'est certainement la tendance qui va augmenter le plus dans les années à venir. D’ailleurs si on regarde ces 20 dernières années, de nombreuses innovations ont permis des gains de productivité, mais ce n’est pas pour autant qu'on travaille moins aujourd’hui. Ce n’est pas forcément négatif, certaines personnes sont attirées par l’hyperperformance.
Celles qui rendent du temps aux employés, sous plusieurs formes possibles : semaine de 4 jours, plus de congés, possibilité de finir sa journée plus tôt... Cela peut être pour des raisons d'attractivité et de fidélisation, ou tout simplement parce que le bien-être de leurs employés est important. Actuellement, la majorité des entreprises suivent cette tendance.
Et celles qui réaffectent ce temps gagné à d'autres initiatives, telles que la transition écologique ou d’autres sujets pour lesquels ils n’avaient pas suffisamment de temps auparavant. C’est le cas pour environ 5% des entreprises.
Pierre pense que les expérimentations avec la semaine de 4 jours vont connaître un boom, et ce, pour différentes raisons :
la pression sur les salaires, l'attractivité et la rétention pour les talents … En effet, qui aurait envie de quitter une entreprise avec une semaine de 4 jours, pour revenir à 5 jours ?
la médiatisation de ces initiatives, qui les rendent de plus en plus populaires auprès des gens, et si ce n’est pas par conviction, les entreprises vont donc devoir suivre… Une étude a montré que 95 % des gens seraient prêts à démissionner pour aller dans une entreprise qui fait la semaine de 4 jours !
C’est une tendance qui s’observe à l’échelle mondiale, il y a donc des chances qu’elle se renforce. L’année 2024 sera sans doute une année charnière.
Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin
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Crédits photo: Welcome to the Jungle"
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