Avec Kevin Duchier, DRH chez Germinal
Kevin Duchier, DRH chez Germinal, aime sortir des sentiers battus. Il nous raconte comment appliquer le growth marketing aux RH
Kevin Duchier est DRH chez Germinal, une startup spécialisée dans le growth hacking fondée en mars 2018 par Grégoire Gamabatto. La mission de Germinal ? Aider des entreprises de toutes tailles à dépasser leurs objectifs de croissance.
Entré comme stagiaire dans le monde des startups, Kevin Duchier a été growth marketer chez Toucan Toco pendant 4 ans, alors que l’entreprise passait de 3 à 60 personnes en autofinancement. Puis il est devenu DRH chez Germinal, qui compte près de 25 personnes aujourd’hui.
L’entreprise a créé un incubateur pour accompagner les entrepreneurs qui veulent se lancer dans la création de leur projet de zéro à... l’infini !
Comment appliquer le growth marketing aux RH?
Tous les employés sont en télétravail complet et ils se partagent 40% de l’EBITDA de l’entreprise, c’est-à-dire des bénéfices avant impôts.
Passionné par la croissance et l’automatisation, Kevin assume sa fonction de DRH comme un growth marketer. Plongeons dans son quotidien pour comprendre sa vision, ses techniques, ses échecs et ses réussites et ce que le growth marketing a à apporter aux ressources humaines…
Qu’est-ce que le growth ?
Dans le milieu des startups, on parle de growth (=croissance) plutôt que de marketing, de commerce, de ventes ou de sales. Kevin nous éclaire sur sa vision du growth.
Faire du growth, c’est faire du marketing en ligne et trouver beaucoup d’idées et de
process pour industrialiser/automatiser son travail de façon à générer de la croissance et des ventes pour l’entreprise en faisant tout seul le travail de 5 marketers.
Les gens qui font du growth expérimentent tout le temps et font des tests à outrance.
Conscient(e) de la contrainte budgétaire, le ou la growth cherche à faire le minimum d’actions pour obtenir le maximum d’impact.
Cette façon de faire peut s’appliquer à d’autres champs que le marketing ou les ventes.
Augmenter l’efficacité d’une startup avec le growth
L’automatisation
Quand il est devenu RH chez Germinal, Kevin a commencé par industrialiser tout ce qui pouvait l’être à l’aide d’outils : la paie avec Payfit, les contrats avec Pandadoc (aujourd’hui, un onboarding lui prend 15 minutes)... Il automatise également son quotidien avec Zapier.
Les possibilités sont illimitées et il lui semble contradictoire de payer un prestataire pour faire les payes quand il existe des logiciels efficaces qui coûtent deux fois moins cher.
Une logique de production
Kevin gère les RH avec une road map et il se considère un peu comme un produit, donc comme quelqu’un qui doit créer des choses.
Son travail se partage entre son quotidien et les choses qu’il doit faire évoluer dans l’entreprise chaque jour comme les OKR (Objectives and Key Results), la qualité des one-on-one (réunions en face à face pendant laquelle le DRH échange avec chaque membre de l’équipe une fois par mois), la rémunération…
Personne n’ayant d’expérience en RH chez Germinal, il doit tout créer de zéro en s’inspirant de choses qui existent.
Dans une logique de production et de vélocité, le DRH tient à calculer le rythme auquel il apporte des éléments utiles aux gens de l'entreprise et à organiser ses différentes missions RH (recrutement, organisation, paie, tâches administratives et légales).
La logique sous-jacente est la suivante : si on veut aller vite et avoir de l’impact alors qu’on dispose d’un temps réduit, il faut :
Supprimer tout ce qui n’est pas focus (logique des OKR, de mesurer son impact et de fixer des priorités)
Une fois qu’on a listé les tâches indispensables, il faut chercher à les automatiser.
Si l’automatisation est impossible, alors on les délègue.
Et c’est seulement si on n’a pas réussi à les automatiser qu’on les fait.
La mise en oeuvre chez Germinal
Comment ces deux premières étapes (supprimer les tâches inutiles et automatiser) sont-elles mises en œuvre dans les RH de Germinal ?
“Mon rôle en tant que RH est de gérer des problèmes, de les analyser et de trouver des solutions”, analyse Kevin.
C’est un rôle très opérationnel qui se rapproche de celui d’un COO parce qu’il s’efforce de favoriser l’efficacité et la vélocité de l’équipe.
Mesurer ses résultats
Dans cette optique, sa “north star metric” RH (indice de croissance) est le taux de satisfaction des équipes qu’il veut voir augmenter chaque semaine. Il calcule la satisfaction des employés à l’aide d’un questionnaire hebdomadaire assorti d’une note sur 10, la moyenne des notes étant couplée à une sorte de NPS (Net Promoter Score).
Autres indices de réussite
Kevin Duchier a la responsabilité de donner des méthodes aux managers. Les managers, quant à eux, doivent gérer les OKR au trimestre et voir les employés en one-on-one tous les mois pour ajuster leurs objectifs.
Parmi les indices qu’il surveille, le DRH de Germinal vise un taux très élevé de validation de période d'essai et un faible turnover (en-dessous de 20%).
Augmenter la productivité
En ce qui concerne la productivité, Kevin réunit une documentation pour apprendre aux employés à être efficaces. Par exemple, chez Germinal, on travaille en deepwork (concentration absolue) donc les notifications doivent être désactivées. À la fin de la journée toutes les boîtes mails doivent être vides, soit parce qu’on a répondu à tous les mails, soit parce qu’on on s'est créé des pense-bêtes pour plus tard.
”On a plein de techniques qui nous permettent de travailler dans les meilleures conditions”, explique le DRH.
Créer une cohésion sociale
Pour la partie sociale, tout le monde se connecte tous les midis pendant 15 minutes et chaque jour, une équipe différente raconte où elle en est et ce qu’elle va faire pendant la semaine à venir. Cette habitude a permis d'augmenter la communication dans l'entreprise et de créer un sentiment d'appartenance malgré la dispersion géographique.
Quelques outils d'automatisation RH
Pour chaque tâche qu’il effectue, Kevin cherche systématiquement un outil adéquat afin de ne pas être tributaire d'un prestataire. “Tout est dématérialisé dès lors que c’est possible et c'est ça qui nous fait avancer beaucoup plus vite”.
Leapsome pour faire les peer review et permettre aux leads de donner leur performance review. Kevin l’utilise aussi lors de ses discussions hebdomadaires pour évaluer le niveau de satisfaction des employés.
Phantombuster pour le recrutement: C'est un outil qui permet de contacter les gens et de faire des envois massifs de documents, par exemple sur LinkedIn.
Equify pour visualiser et faire comprendre les BSPCE (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise) à tous les employés.
Okarito pour permettre à chacun de prendre ses propres billets de transport pour les séminaires.
Joyger pour envoyer automatiquement un package d’onboarding avec t-shirt, goodies etc. à toutes les nouvelles recrues.
Pour résumer cette excellente pratique, il faut avoir deux réflexes :
- Automatiser ce que l'on fait deux ou trois fois par semaine pour gagner en efficacité.
- Chercher l’outil adéquat, par exemple sur Google.
Attention toutefois à ne pas automatiser des choses qu'on aurait pu supprimer !
Rendre autonome et déléguer
L’étape suivante consiste à donner de l’autonomie et à déléguer. Certaines décisions prises en RH sont appliquées par les managers ou des personnes qui sont sur le terrain. Le RH ne fait pas tout tout seul.
“Je suis convaincu que je dois être remplaçable. Je suis convaincu que la boîte doit absolument tourner 100 % du temps sans moi.” déclare Kevin. Pour cela, il utilise l’écrit.
L’exemple des one-on-one
Jusqu’à présent, c’est lui qui faisait tous les one-on-one de l’entreprise. Conscients qu’une telle organisation n’est pas tenable dans la durée, il a rédigé un document pour partager les bonnes pratiques du one-on-one.
Plutôt que d’être très directif, Kevin Duchier conseille de fixer les règles du jeu (par exemple, dans le cas d’un entretien, “Toujours poser les mêmes questions”, “Mener des entretiens d'une durée égale etc) et laisser la personne libre à l’intérieur de ce cadre.
C’est ce qu’il fait pour les one-on-one. Tout d’abord, il réunit d’abord des données et le résultat de son expérience pour détailler le déroulement de l’entretien idéal. Puis il interroge les équipes sur leur vision d’un bon one-on-one. Enfin, il accompagne les leads à leurs entretiens individuels pendant quelque temps et leur fait des feedback…”
“Je prends beaucoup de temps à en gagner”, résume-t-il. A moyen terme, son but avoué est de faire en sorte que les gens se coachent mutuellement.
Il considère que le rôle du RH est de rassembler ce qui s’est dit en entretien pour savoir qui est bon et qui ne l’est pas et de déterminer comment il peut aider les uns et les autres en conservant un esprit opérationnel.
“La grande difficulté d'un RH, c'est de comprendre le business et de comprendre comment rendre les gens plus efficaces”.
Pour cela il doit créer des process qui garantissent une certaine liberté. Le RH est juste là pour donner les règles du jeu/la structure.
Les bonnes pratiques de la délégation en management
Quand on délègue il faut éviter deux dérives :
le micromanagement : le manager surveille étroitement ses équipes et les embête avec le “comment”. Mieux vaut leur dire ce qu’on attend d’eux et les règles du jeu et les laisser libres à l’intérieur de ce cadre.
le non-management : laisser les gens livrés à eux-mêmes sans les guider du tout.
L’approche de Kevin se situe entre les deux : il prend le temps de s'assurer que tout va bien au démarrage puis il fait des points d'étapes réguliers pour finalement laisser la personne totalement autonome.
En ce qui concerne les meilleurs styles de management, il prend exemple sur l’autonomie alignée de Spotify, développée par leur coach agile Henrik Kniberg, et conclut “Pour être autonome, on a besoin d’avoir une vision, quelque chose à suivre, sinon c’est le chaos.”
Appliquer une approche de vente dans le recrutement
De son expérience chez Toucan Toco, où le recrutement est assimilé à de la vente (On chasse des talents ou on les fait venir à soi), Kevin Duchier a gardé cette conviction que les candidats et les anciens employés sont à la fois des gens à attirer mais aussi des ambassadeurs et que les équipes sont des utilisateurs à séduire en mesurant le turnover pour s’assurer que le NPS est bon....
Cette philosophie RH est très proche de cette logique growth et peut s’appliquer au recrutement comme aux RH.
Il lui paraît important de calculer la satisfaction des gens et d’être cohérent dans ses efforts. Il n’est pas logique de travailler dur sur sa marque employeur mais de ne pas répondre aux candidats.
C’est pourquoi Kevin met un point d’honneur à répondre à tous les candidats sous 48h. A ses yeux, l’expérience candidat s’apparente à une expérience utilisateur : tous les candidats doivent être satisfaits de leur passage chez Germinal, quelle que soit l’issue de leur candidature, car ils deviennent dès lors des ambassadeurs de la startup. Certaines personnes ont même témoigné qu’elles avaient trouvé du travail grâce à leur candidature chez Germinal.
"Ça veut dire que j’ai réussi l’expérience”, se réjouit Kevin Duchier. Il estime que l’entreprise a eu un rôle de service en offrant au candidat des conseils qui l’ont aidé pour ses prochaines expériences, même si son profil n’a pas été retenu. “L’idée c'est de faire en sorte que le temps que les gens ont passé avec nous soit toujours quelque chose d’hyper beau” conclut-il.
Projets d’avenir
Le DRH de Germinal aimerait travailler prochainement sur deux grands sujets :
Réussir à ouvrir l'onboarding de Germinal à l'extérieur, donner de la lisibilité pour que les candidats arrivent encore mieux à comprendre la philosophie et le fonctionnement de l'entreprise et que l’expérience candidat soit en accord avec les promesses.
En tant que RH, Kevin se réjouit d’influencer la culture de l’entreprise.“C'est un métier qui est absolument magnifique parce que tu as le contrôle sur l'expérience de la personne”, lance-t-il avec enthousiasme. Cette expérience, il la souhaite exceptionnelle...
Kevin Duchier aimerait également accompagner davantage les personnes qui quittent l’entreprise en créant un réseau d’alumni.
Evolution du rôle de RH en startup
Actuellement, le chômage étant élevé, certains employeurs se permettent de maltraiter les candidats. Dans le milieu startup en revanche, la plupart des profils de qualité sont pénuriques. Par conséquent, les employeurs sont obligés de considérer les candidats comme des clients susceptibles de rejoindre la concurrence.
Kevin est convaincu que le rôle des RH, qui a été longtemps ignoré, est en train de complètement changer en startup. Il n'est pas celui de gestionnaire, il n'est plus celui que l'on retrouve dans des entreprises traditionnelles qui ne sont pas en croissance.
Aujourd'hui il y a très peu de RH en startups et ils sont le plus souvent recrutés au bout du 60ème employé.
Mais il assure que la tendance est en train de changer et que d'ici 3 à 4 ans, les entreprises qui vont gagner seront celles qui auront des expériences uniques à offrir et qui vont prendre soin de leurs employés pour éviter les départs.
Le rôle d’un RH aujourd'hui est de créer des cultures et des produits forts qu'on ne va pas retrouver ailleurs et de le faire savoir partout pour attirer les gens qui sont totalement en accord avec cette vision.
A ce propos, il cite une statistique marquante :97% des gens qui postulent chez Germinal et qui arrivent en phase finale acceptent le poste.
“Je ne suis pas quelqu'un qui convainc bien les gens. C'est juste qu'ils sont déjà convaincus parce qu'ils ont eu accès à toute cette expérience juste avant, [...] ils ont compris que notre culture leur correspondait”.
Expérimentation RH en startup : échecs et réussites
La philosophie growth, c’est l’expérimentation. Une même expérimentation a connu échec et réussite chez Germinal : il s’agit de la rémunération.
Dès son arrivée dans l'entreprise, Kevin Duchier a créé une grille de rémunération. Malheureusement, au bout de trois mois elle ne fonctionnait plus parce qu'il s'était concentré sur les hard skills. Les niveaux n’étaient pas adaptés à la croissance rapide de l’entreprise, l'expérimentation avait été purement théorique.
S’inspirant des développeurs qui ont un environnement de test (staging) et un environnement de production quand ils codent, il a décidé de tester sa grille de rémunération en live pendant un an et de la faire évoluer au fur et à mesure des feedbacks des employés, les personnes les mieux placées selon lui pour juger cette grille.
A ce jour, la grille de rémunération n’a pas encore atteint sa forme définitive mais elle ne cesse de s’améliorer et comme elle a été co-construite, tout le monde est d'accord sur les décisions qui sont prises. De plus, la façon de communiquer sur la grille en toute transparence, de la construire collectivement et de l’améliorer en continu génère du dialogue et de la confiance.
Conclusion : par quoi commencer pour introduire de la logique growth marketer dans ses RH ?
Pour la partie automatisation, le gros problème aujourd'hui c'est qu'on a un outil pour tout et ils ont parfois leurs limites donc il faut faire preuve de pragmatisme pour vérifier qu’on gagne vraiment du temps.
De gros outils comme Payfit, Equify, Swile... sont des quick wins et font gagner énormément de temps.
Ensuite il faut mettre en place des données et les analyser point par point.
Office Vibe permet d’avoir une fois par mois un bilan résumant comment l’équipe se sent et les sujets de préoccupation du moment. C’est indispensable pour tout RH. Mais il faut avoir en plus une culture de résolution de problème. Aux yeux de Kevin, un problème qui dure plus de 2 semaines est un échec, d’autant plus que les problèmes récurrents font fuir les employés.
Le changement et la transformation mettent du temps et cela peut être source de frustrations pour le ou la RH. C'est une course contre la montre avant le 50ème employé. Quand il est arrivé chez Germinal, Kevin a mis en place les OKR, les one-on-one, les performance reviews et la rémunération en même temps et c’était une grosse erreur. Il faut avancer progressivement en testant sur de petites équipes.
Pour la conduite du changement, Kevin Duchier s’inspire du livre “Switch” qui décompose les étapes pour amener du changement en entreprise. Il conseille de trouver ses champions dans l’entreprise et faire en sorte qu’une mesure (par exemple les OKR) fonctionne avec cette équipe. Il s’agit ensuite de récolter les problèmes rencontrés, de les régler encore une fois avec cette équipe puis d’intégrer de plus en plus de personnes. La dernière équipe va finir par rejoindre le process par effet de foule et par preuve.
En résumé, pour amener le changement, il faut commencer ambitieux mais petit puis gérer la contagion.
Retrouvez Kevin Duchier sur LinkedIn où il répond à 100%.
Les livres recommandés par Kevin:
”Switch : How to Change Things When Change is Hard” de Chip et Dan Heath sur la conduite du changement.
“Radical Candor : How to Get What You Want by Saying What You mean” de Kim Scott qui explique que les Français qui sont fans de la communication indirecte et induite devraient être un peu plus directs tout en étant bienveillants.
“Reinventing organizations” de Frédéric Laloux, le livre de référence pour apporter de la nouveauté dans son style d’organisation
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