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Comment éviter de finir sur Balance ta startup ?

Dernière mise à jour : 3 avr.

Avec Elise Fabing, avocate au sein du cabinet Alkemist Avocats





Comment éviter de finir sur le compte instagram de Balance ta startup ? Cette question revient régulièrement dans les questions que nous posent les CEO, founders, RH, HR,... que nous rencontrons tous les jours. Au-delà de nos recommandations et de nos accompagnements, nous avons aujourd'hui choisi d'apporter les réponses d'une experte du droit du travail spécialisée.


Élise Fabing est avocate au sein du cabinet Alkemist Avocats à Paris, avec son associée Alice Goutner. Le cabinet comprend également 3 collaboratrices (et bientôt un collaborateur) et 2 stagiaires. Élise est spécialisée en droit du travail, plutôt côté salariés, elle assure donc la défense de salariés qui se font abusivement licencier ou qui sont victimes de violences au travail. Mais elle a aussi régulièrement l'occasion de travailler avec des start-ups qui lui confient des enquêtes internes quand il y a des dénonciations de faits de harcèlement. Elle est également l’autrice du livre “Manuel contre le harcèlement au travail” paru chez Hachette


Élise est aussi une des figures de proue du compte Balance Ta Startup sur Instagram, même si elle n’est pas à l'origine de ce compte. En effet, elle y fait de l’initiation au droit du travail pour les salariés, à la demande de sa fondatrice, et est finalement devenue un peu la porte-parole d'un mouvement qui fait peur à bon nombre de dirigeants de startups.


LE MOUVEMENT “BALANCE TA START-UP”


Contexte et historique


Le harcèlement, le mal-être et la souffrance au travail sont devenus des sujets importants :

  • 30% des salariés en France, soit 8 millions de personnes, s'estiment victimes d’agissements hostiles de la part de leur employeur,

  • et 34% des femmes déclarent avoir été victimes au cours de leur carrière d'agissements sexistes ou de harcèlement sexuel, soit aussi 8 millions de femmes.


Il n’existe pas de chiffres spécifiques pour les start-ups mais elles n'échappent pas au phénomène. Elise nous explique ici comment il est possible préventivement d’éviter ces situations au travail, et ne pas terminer dans Balance Ta Startup.


Le mouvement Balance Ta Startup est en fait un prolongement du compte Balance Ton Agency qui concerne le milieu de la communication. Ces mouvements liés au milieu professionnel sont eux-mêmes inspirés des mouvements #MeToo à l’international et #BalanceTonPorc en France, qui ont permis de libérer la parole des femmes victimes d’agressions sexuelles. Et c’est parce que le système judiciaire fonctionne mal sur ces sujets et qu’il a fallu trouver des solutions alternatives, et que ces cris de révolte sont apparus.


A la base, Balance Ta Startup est un mouvement de dénonciation de faits de violences au travail. C'est de la dénonciation anonyme, ce qui pose nécessairement la question de la présomption d'innocence, à laquelle Élise est évidemment extrêmement attachée en tant qu'avocate. Mais la réalité est qu’actuellement, la justice sociale dysfonctionne sur ces sujets-là, et le rapport de force entre les employeurs et les salariés est complètement déséquilibré. Ce mouvement du #MeToo au travail a vraiment permis aux salariés de dénoncer leurs conditions de travail et les problèmes de ressources humaines parce qu'ils ont l'impression de ne pas être entendus.


Résultats du mouvement


Au final, il est ressorti de ce mouvement beaucoup de choses positives :


- En premier lieu, il a aidé les victimes à se sentir moins seules, ce qui peut constituer un vrai soulagement pour elles


- Il a permis de sensibiliser les employés sur leurs droits : car concernant le droit du travail et leurs droits, quel que soit leur niveau d’étude, les salariés sont souvent démunis, alors que pour Élise cela devrait être de l'éducation civique, de l'éducation populaire.


- Cela a également permis de sensibiliser les patrons sur leurs obligations en termes de droit du travail. Malgré les fonds qu'ils ont à disposition, ils font parfois leurs contrats de travail avec un site en ligne automatique, avec du coup des clauses mal rédigées qui peuvent leur coûter très cher en contentieux, et jusqu’à tuer une entreprise qui se crée.


- Des accords d’entreprises : le syndicat des patrons des agences de communication a contacté l'association féministe Les Lionnes et Balance Ton Agency pour monter des accords d'entreprise afin de réfléchir à comment mieux protéger les salariés dans ce secteur d'activité.


- Prise de conscience des start-ups sur l'importance de la prévention du contentieux : un des enjeux importants des start-ups est d'acquérir des talents, et donc de préserver leur marque employeur. Forcément, être épinglé dans Balance Ta Startup n’est pas une bonne publicité pour les potentiels candidats… Élise a même été contactée par des fonds d’investissements qui voulaient connaître son avis sur des entreprises qui avaient été épinglées sur Balance Ta Startup.


- Certaines start-ups n'ont pas hésité à confier à Élise des enquêtes internes quand il y a eu des dénonciations de faits de harcèlement chez elles. C’est une démarche très intéressante parce que c’est un moyen aussi de trouver une solution RH intelligente. En effet, dans de nombreux dossiers les patrons de start-ups ont souvent mal agi par méconnaissance complète, mais pas par mauvaise foi. Par exemple, des clauses mal rédigées dans les contrats peuvent présenter de gros risques de contentieux, et cela peut vraiment peser sur l’entreprise en pleine croissance.


CAUSES ET PROBLÉMATIQUES SPÉCIFIQUES AUX START-UPS POUVANT LES MENER SUR BALANCE TA STARTUP


Des entreprises jeunes, qui limitent les possibilités de contentieux :


Le fait qu’il y ait peu de chiffres sur la souffrance au travail dans les start-ups est lié notamment au fait qu'il s'agit globalement d'entreprises jeunes. Il y a donc encore peu de contentieux contre les start-ups depuis l’instauration du barème Macron sur les indemnités en cas de licenciement, en fonction de l’ancienneté. En effet, avant l'instauration du barème Macron, un employé ayant moins de deux ans d'ancienneté touchait au minimum six mois de salaire d'indemnisation en cas de licenciement abusif, alors qu'aujourd'hui il ne touchera qu'entre 1 et 3 mois maximum.

En prenant en compte le stress généré par un contentieux, les frais de justice et les procédures qui sont souvent très longues (45 mois pour avoir une date d'audience par exemple à Nanterre), cela décourage vraiment les employés de start-ups d'ouvrir un contentieux contre leur employeur. D'ailleurs le nombre de requêtes devant les conseils de prud'hommes en France a été divisé par deux en dix ans, alors que les chiffres sur la souffrance au travail sont en hausse constante.

Ne pouvant aller en contentieux, les gens vont alors s’exprimer sur les comptes comme Balance Ta Startup.


Un autre chiffre assez marquant : en 2019 la condamnation moyenne pour un harcèlement moral devant la justice a été de 7100 euros, un résultat pouvant être maigre compte tenu de l'énergie à déployer pour obtenir une condamnation. Pour échapper au barème Macron, les avocats vont en effet souvent chercher des stratégies de contournement, en parlant notamment de harcèlement alors que parfois les faits n'auraient pas été qualifiés de harcèlement. Cela crée donc des contentieux artificiels qui ne sont "fair" ni pour le salarié ni pour l’employeur.


Une absence de contre-pouvoir :


En général, il n’y a pas de CSE au sein des start-ups, et il n'existe pas de syndicalisme. Les dirigeants sont donc très seuls face à ces problématiques.


Un manque d’accompagnement par des professionnels du droit :


Les dirigeants de start-ups sont souvent préoccupés avant tout par leur croissance et tout ce qu’elle implique, qu’avoir un avocat, un conseil en droit du travail n’est absolument pas dans leurs priorités. Ils négligent complètement cette partie-là, mais le jour où il y a un souci, ils sont totalement démunis.


Un mal-être systémique lié à la croissance


Cela arrive quand la start-up est tellement en hypercroissance et en stress que cela se répercute sur le management et que tout le monde en souffre. Et les patrons sont tellement concentrés sur autre chose qu'ils ne se rendent même plus compte que les gens vont mal, ils se disent que l'effort est à fournir sur un temps T et qu'ensuite ça se calmera, qu’ils vont embaucher etc. Il n'y a donc pas forcément de malveillance, ils sont simplement dépassés par les événements. Et par ailleurs, tout le monde a vocation aussi dans une start-up à être parfois un couteau suisse, ce qui ne convient pas à tous les salariés, donc ça peut être compliqué aussi pour les salariés de ce point de vue-là.


Un management toxique


Un cas fréquent, c’est le caillou dans la chaussure, le manager toxique. Le problème, c’est que quand le patron délègue le management à une personne toxique, cela reste la responsabilité de l’entreprise. En général, les patrons mettent un peu de temps à le repérer, et quand il y a une dénonciation de faits de harcèlement moral, sexuel ou de discrimination, ils ne savent pas du tout réagir. En effet, ils ne sont pas formés, pas habitués, et du coup ils mettent du temps à réagir, et le temps c'est de la souffrance. C'est aussi ce qui va faire que le contrat de confiance avec le salarié va être rompu, car il va penser qu’il n’est pas écouté, alors qu’en fait c’est simplement que les dirigeants ne savent pas quoi faire. Soit, ils sont complètement bloqués dans leur situation, soit, ils réagissent mal en prenant de mauvaises décisions managériales (par exemple remettre en main propre dans un bar à côté de la start-up une dispense d'activité au manager toxique), alors que le salarié se sent abandonné, ce qui crée bien sûr un risque de contentieux.


Des contrats de travail peu adaptés au monde des start-ups :


Pour Élise, le cadre juridique au niveau du contrat de travail, à l’heure actuelle en France, n’est pas adapté au monde des start-ups. En effet, dans une start-up, un salarié peut se retrouver entrepreneur, un salarié peut avoir un intérêt capitalistique à l’entreprise, ce qui est extrêmement nouveau. Cela peut permettre pour un salarié de profiter de la dynamique de l’entreprise, et amener des success stories fabuleuses, comme les premiers salariés de Criteo qui sont tous millionnaires aujourd'hui.


Une forte emprise des fondateurs :


Dans certaines start-ups, il peut y avoir une forme de “gourouisation” du fondateur. Certains en abusent et profitent de leur emprise sur les salariés pour leur faire accepter beaucoup de choses. Et si à un moment cette emprise cesse, alors cela peut devenir très compliqué pour le fondateur.


Une culture défaillante et un manque de cadre :


Il existe parfois également des problèmes de cadre et de culture d’entreprise dans certaines start-ups, qui rendent possibles des comportements malsains dont Elise cite quelques exemples :

  • une start-up d'une vingtaine de personnes où tout le monde avait couché avec tout le monde,

  • une entreprise dans laquelle un manager avait mis enceintes trois collaboratrices à quelques mois d’intervalles. Il était marié, il a donc fallu qu’elles avortent, mais la DRH justifiait la situation en disant qu’elles étaient consentantes,

  • les open bars beaucoup trop fréquents, etc.


LES MOTIFS RECENSÉS DANS BALANCE TA STARTUP


Un certain nombre de motifs pour lesquels une start-up termine sur Balance Ta Startup sont récurrents. En prendre conscience, avec l’éclairage juridico-légal d’Élise, peut permettre aux RH, aux fondateurs et fondatrices qui écoutent ou lisent ce podcast de prendre des mesures préventives et de meilleures décisions à l’avenir. Ces motifs sont les suivants :


La surcharge de travail


On le verra ci-après, la surcharge de travail entre désormais dans le cadre du harcèlement moral.


Le harcèlement moral


La définition du harcèlement moral, ce sont “des agissements répétés pouvant entraîner pour la personne qui les subit une dégradation de ses conditions de travail pouvant aboutir à une atteinte à ses droits et à sa dignité, ou une altération de sa santé physique et mentale”. C’est finalement une définition assez floue, et concrètement c'est la jurisprudence, les décisions de justice qui vont façonner les contours du harcèlement moral. Les situations suivantes sont par exemple du harcèlement moral :

  • une surcharge de travail,

  • une mise au placard : l’entreprise a pour obligation de donner du travail à un salarié. Dans certains dossiers, et pas uniquement en start-up, une entreprise qui veut faire partir quelqu'un va essayer de l’écoeurer, en ne lui donnant plus de travail, en le rétrogradant, etc.


Attention cependant à ne pas confondre harcèlement et pouvoir de direction : l’entrepreneur a en effet un pouvoir de direction, il doit pouvoir réorganiser sa structure quand ça ne marche plus ou pour l’optimiser, mais cela doit se faire en bonne intelligence sans laisser quelqu'un sur le bord de la route.


Le harcèlement moral peut avoir des conséquences dramatiques, Élise en voit malheureusement souvent parmi ses clients : tentatives de suicide, burnouts, hospitalisations en psychiatrie, etc. Et cela peut arriver à tout le monde, cela n’a rien à voir avec le bagage académique et professionnel, l’âge ou l’ancienneté. Pendant un moment, les gens sont dans une phase de déni, ils n’écoutent pas les signaux de leur corps, et finissent un jour par craquer.


Le harcèlement sexuel


Le harcèlement sexuel, contrairement au harcèlement moral, n’a pas besoin d’une répétition d’un comportement, une seule fois suffit. Le harcèlement sexuel correspond à “des propos, des comportements à connotation sexuelle ou sexistes, qui sont imposés au salarié, et qui vont porter atteinte à sa dignité avec un caractère dégradant, humiliant”.


Cela peut se manifester de nombreuses façons, Élise en a vu de nombreux exemples :

  • un élément de nature à obtenir une faveur sexuelle,

  • des gestes, des paroles ou même parfois des écrits où le-la boss dit à sa-son subordonné-e qu’il a envie d’elle-de lui.

  • concernant les agissements sexistes, qui ont été ajoutés récemment à la définition du harcèlement sexuel : une ambiance sexiste, des blagues sexistes (à répétition ou pas), une gestuelle déplacée, une main sur la cuisse, Élise a même eu le cas d’un patron qui dégrafait les soutiens-gorge de ses collaboratrices dans les ascenseurs…


On constate que d’une part il existe un sentiment d'impunité par rapport à ces gestes et ces paroles, et d’autre part que les patrons peuvent être complètement déconnectés du risque de contentieux. En effet, un.e patron.ne qui écrit une proposition sexuelle à sa-son subordonné.e laisse une preuve flagrante qui pourra être utilisée contre lui-elle lors d’un contentieux.


La défense qu'on oppose souvent à Élise, ce sont souvent des propos du style : on n’est pas des américains, on est des latins, et donc c’est normal qu’il y ait un peu de séduction dans tous les rapports… Mais ce n’est évidemment pas un argument approprié, car il omet la notion de consentement. Élise a d’ailleurs écrit un article sur la drague au bureau, en expliquant que oui il est toujours possible de draguer au bureau, mais que néanmoins, cela nécessite un consentement.


Élise pointe également un gros problème sur le harcèlement sexuel au niveau de la jurisprudence : quand un.e salarié.e a une attitude ambiguë, il n’y a pas de harcèlement sexuel. Sauf que cette jurisprudence a été prise en méconnaissance totale du principe de subordination économique, c’est-à-dire que de nombreux.ses client.es se sentent contraint.e.s de rire un peu aux blagues salaces, de participer, d’accepter une main aux fesses, parce qu'ils-elles ont peur de perdre leur travail. C’est le cas en particulier des femmes-hommes qui sont précaires, qui sont parfois papa-maman solo avec de grosses charges de famille.


Cette notion de harcèlement sexuel est donc encore incomplète selon Élise, elle espère qu’il y aura à l’avenir des jurisprudences plus fermes sur le sujet, avec des niveaux d'indemnisations supérieurs aussi car ils sont actuellement extrêmement faibles (du même ordre à peu près que le harcèlement moral). Que ce soit du harcèlement moral ou sexuel, c’est très violent et les salarié.e.s mettent beaucoup de temps à s'en remettre. Quand une entreprise est condamnée, il faudrait que la peine et l'indemnisation soient vraiment dissuasives pour l'employeur, et réparatrices pour le-la salarié.e. Cela ne pourrait qu’inciter les startups à mettre en place des actions de prévention des risques psychosociaux.


Les mauvais contrats de BSPCE


Les BSCPE sont un outil capitalistique pour le salarié qui permet d'avoir des bons de souscription pour des actions. C’est un droit pour acheter des actions à un prix prédéterminé, avec une période où ce droit ne peut être exercé : les BSPCE sont verrouillés, on ne peut rien en faire, c’est ce qu’on appelle la période de vesting, qui est fixée dans le contrat entre le salarié et l'employeur.


Comme c’est contractuel et qu’il n’y a rien de fixé automatiquement par la loi, ces contrats sont souvent mal faits d'un côté comme de l’autre, il y a une certaine forme d’amateurisme :

  • côté salarié : il s’est mal défendu dans la rédaction de ce contrat, voire souvent il n’a même pas lu le contrat et signe donc un contrat qui n’est pas à son avantage.

  • côté employeur : il peut y avoir de la malveillance pour l'appât du gain, mais parfois c’est simplement que ce sont des contrats repiqués sur internet ou à un autre copain fondateur. On retrouve aussi cet amateurisme d’ailleurs dans les contrats de travail, qui sont aussi sources de contentieux, par exemple les clauses de forfait annuel en jours mal rédigés.


Une des manières de sortir, donc de revendre ses actions contre de l'argent, c'est souvent dans de nouveaux tours de levée de fonds, ou des rachats. Et parfois, les failles contractuelles permettent à l'employeur de licencier le salarié juste avant que les BSPCE soient vestées, et donc qu’elles prennent beaucoup de valeur, pour ne pas avoir à partager le “gâteau”.


Élise a beaucoup de clients qui ont accepté à l’embauche une baisse de leur salaire fixe pour bénéficier de ces BSPCE, ils font donc un pari entrepreneurial et ensuite s’investissent énormément dans l’entreprise, avant d’être licenciés juste avant le vesting.


Quand il y a des comportements fautifs d'employeurs à ce niveau-là, les clients peuvent aller avec Élise devant le conseil de prud'hommes pour demander une indemnisation au titre de la perte de chance des actions, mais ce n'est pas encore bien indemnisé par les juridictions.


L’alcool et les drogues


L’environnement festif est très présent dans certaines start-ups : pots, open bars… ce qui peut engendrer des problèmes d'alcool et de drogues. Comme le dit le slogan de Balance Ta Startup, “un babyfoot c’est bien, le droit du travail c’est mieux”. Pour Élise, c’est une ambiance un peu faussement cool, voire précaire, à cause du cadre flou et de la frontière extrêmement poreuse entre vie pro et vie perso.


L’absence de frontières entre vie pro et vie perso


Régulièrement en start-up, on constate l'absence de frontières entre vie pro et vie perso, et cela peut engendrer des situations très toxiques. Les salariés sont souvent jeunes et n'ont pas encore de famille, ils vont passer toute leur vie dans la start-up, certains vont se mettre en couple au sein de la start-up etc. Mais quand ils se font licencier, écartés ou mis à l’écart, cela peut être vécu comme un véritable drame à la fois pro et perso, car c’est tout leur monde qui s’écroule. Ils deviennent un peu paria aussi au sein de leur groupe d’amis, et ils se retrouvent extrêmement seuls.


Une chose qui revient souvent aussi, ce sont les histoires d'amour entre fondateurs et salarié.e.s, et au moment où l’histoire d'amour se termine, il y a une mise à l’écart puis un licenciement. Est-ce justifié ? Cela pose question bien sûr, c’est compliqué.


Cela ne veut pas dire que l'amour n'a pas sa place au travail, mais on revient à l’importance du cadre, c’est vraiment important de le construire.


Des offboardings mal gérés


Dans un contexte de croissance ou d’hypercroissance, qui peut être assez brutal, les start-ups sont amenées à se reconfigurer régulièrement. Et si jamais quelqu'un ne fit plus, le mieux est d’avoir une bonne discussion autour de son départ, et de faire les choses correctement.


Mais régulièrement, l’offboarding n’a pas été du tout géré, et les choses s’enveniment parfois jusqu’au contentieux. C’est dommage car il aurait suffit de soigner le départ des gens pour que cela se passe bien.


SOLUTIONS ET PISTES D'AMÉLIORATION POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION


C’est la responsabilité de l’entreprise de se préoccuper de la santé physique et mentale de ses salariés. Avant c’était une obligation de résultats, désormais c’est une obligation de moyens renforcés. D’autant plus qu’en start-up, la vitesse de croissance est souvent plus rapide que la croissance de l’humain. Cela nécessite donc de mettre une attention particulière sur l’humain, qui sera le meilleur moyen d'anticiper les contentieux.


D’ailleurs, quand Élise va devant le conseil des prud'hommes, souvent plutôt que d’aller sur le terrain du harcèlement, elle préfère aller sur le terrain du manquement à cette obligation. Car souvent aucun moyen n’a été mis en place dans l’entreprise pour prévenir les risques psychosociaux (RPS), et même si le salarié a alerté, il ne s’est rien passé. C'est aussi important qu’une entreprise puisse montrer ce qu’elle fait pour les RPS, notamment pour ne pas être sur Balance Ta Startup.


Il faut noter que les dirigeants et dirigeantes sont très rarement malveillants, pour la majorité ce sont des gens qui sont à un moment donné dépassés par les événements. En fait, l'hypercroissance est un mouvement tellement anti-naturel que c'est un jeu de variable d'ajustements : si l'humain n’est pas mis au centre, cela va devenir la variable d'ajustement du système, et la santé des salariés comme celle des dirigeants va être en danger. Des managers qui ne sont pas formés peuvent alors exploiter leurs équipes sans même s'en rendre compte. D’où la nécessité de prévenir les risques psychosociaux.


De nombreux dirigeants suivent et soutiennent Élise : ils lui disent que le mouvement Balance Ta Startup est bénéfique, elle est régulièrement appelée par des start-ups qui souhaitent être aidés pour prévenir ces risques psychosociaux, il y a donc vraiment une volonté de certaines start-ups de faire mieux, c’est très positif.


Différentes solutions peuvent permettre de prévenir les risques de contentieux :


Réfléchir et définir un cadre


Le premier pas, c’est déjà de réfléchir en amont à :

  • ce qui est toléré et ce qui ne l’est pas,

  • quel est le cadre comportemental donné aux managers de l’entreprise,

  • quelle est la sanction si on dépasse ce cadre, comment ça se passe,

  • et comment anticiper et prévenir les problèmes.


Et pour aider les fondateur.trice.s à fixer les cadres, il faut avoir recours à des ressources extérieures, quelqu'un qui a du recul sur l’activité, sur le management, sur la façon dont le travail s'organise au sein de l’entreprise. Parce bien souvent quand on est dedans, il n’est pas possible d’avoir le recul nécessaire pour voir ce qui ne va pas. Cette notion d’équilibre et de cadre (cadre d'action, cadre contractuel, bases claires et méthodes de travail claires) est vraiment importante pour prévenir les contentieux entre employeurs et salariés.


Prendre un avocat en droit du travail


Élise recommande vraiment aux start-ups de ne pas prendre un avocat qui fait un peu de tout, mais un avocat spécialiste en droit du travail, qui a l’habitude de défendre des entreprises. Il va apprendre à bien connaître l'entreprise, et va devenir assez rapidement l’un des contacts les plus précieux. Quand il y aura un problème, il sera là pour aider à réagir dans la bonne direction à ce moment-là.


Ceci étant, voici un petit rappel des principaux droits du travail pour les salariés :

  • Des temps de repos journaliers obligatoires, ce qui n’est pas toujours appliqué dans les startups,

  • Une charge de travail adéquate, pour que le salarié arrive à combiner vie perso et vie pro. C’est la responsabilité de l’employeur de vérifier que le salarié n’est pas trop sous pression, et donc de ne pas lui demander de faire des nocturnes tout le temps… Car si un salarié fait un burn-out, c'est aussi l’entreprise qui est responsable. Et à noter que ce n’est pas parce qu’un salarié est cadre au forfait jour qu’il est corvéable à merci, et que ça décharge l’employeur complètement de cette obligation-là.

Former, sensibiliser les salarié.e.s et les managers


Former en interne, interroger, faire prendre du recul, faire des actions de prévention des risques psychosociaux intelligentes, et donner des outils aux salarié.e.s et aux managers pour les sensibiliser à ces questions de harcèlement moral / harcèlement sexuel / discrimination, sont des éléments vraiment nécessaires aux start-ups.


Le management est très difficile et compliqué, rares sont les managers qui sont formés à cela. Être bon techniquement ne suffit pas pour savoir manager. Souvent par évolution professionnelle, des personnes se retrouvent managers mais elles n’aiment pas nécessairement cela, ou se retrouvent dépassées par la situation, sans avoir d’aide ni de ressources, ce qui peut provoquer de gros dégâts. Il y a donc forcément des maladresses qui sont commises par les managers, et qui peuvent être vécues comme des agressions par les salariés, surtout dans un contexte professionnel de grand stress, d’hypercroissance. Former ses managers avec de bonnes formations, c’est donc agir en amont, et éviter une certaine forme d’amateurisme dans le management qui est beaucoup trop courante et qui finit par conduire à du harcèlement.


Parmi les formations et accompagnements possibles, voici quelques pistes :

  • Le cabinet Gloria Entreprises, qui fait un excellent travail de sensibilisation des personnes et entreprises sur le thème de la diversité / inclusion / discrimination à l'embauche. Marie Da Silva fait aussi un excellent travail et des interventions très intéressantes sur ces sujets.

  • Et bien sûr le cabinet Yaniro, pour la formation et l'accompagnement des top managers.


Le monitoring des conditions de travail


On l’a vu, le harcèlement moral est l'aboutissement d’une dégradation physique ou morale, ou une atteinte à la dignité, ou une dégradation des conditions de travail des salariés.


Aujourd’hui, il existe de nombreux outils qui permettent de monitorer facilement les conditions de travail et le moral des collaborateurs : Peakon, Supermood, OfficeVibe, etc. Les one to one sont aussi des moments privilégiés pour discuter de ce qui va ou ne va pas pour le salarié.


les start-ups d’accompagnement des entreprises sur la prévention des RPS


Des solutions existent aujourd’hui avec des start-ups très sérieuses comme moka.care ou Teale, qui proposent des solutions aux entreprises pour les former, les sensibiliser sur la santé mentale, et les outiller en mettant en place des actions de prévention des risques psychosociaux.


Sortir de la bulle start-up


Dernière recommandation, il faut sortir de la bulle start-up, la start-up ne doit pas représenter toute la vie du salarié. Cela permet de prendre du recul et donc de voir plus clairement ce qui est ok et ce qui ne l’est pas. Donc passer du temps en dehors ne peut faire que du bien !



Vous pouvez contacter Élise Fabing par mail, par téléphone ou sur Linkedin

Site web de Alkemist Avocats : https://www.alkemist-avocats.com/


Ressources recommandées par Élise :


  • le livre Manuel contre le harcèlement au travail de Élise Fabing

  • l’article Est-il encore possible de draguer au boulot en 2022 sur Welcome to the Jungle avec la participation de Élise Fabing (lien ici)

  • le livre Toxic Management de Thibaud Brière

  • le livre En finir avec la productivité de Laetitia Vitaud

  • le podcast Fleur d’Avocat


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