Guillaume Moubèche, CEO et cofondateur de Lemlist
Bootstrapping et stratégie RH ? La question mérite d'être posée et la réponse caricaturale pourrait être : 0 embauches et stagiaires à gogo. Pour échapper à la caricature, nous avons rencontré Guillaume Moubèche, CEO et cofondateur de Lemlist, qui explique comment le choix de créer une startup sans lever de fonds a impacté sa stratégie RH, et les bénéfices qui en découlent.
Lemlist est une plateforme de personnalisation et d'automatisation d'emails qui aide les équipes commerciales et les recruteurs à entrer en contact avec leurs prospects ou leurs candidats potentiels.
Il possède également une chaîne Youtube dont le but est d’aider d'autres entrepreneurs à lancer un business rentable.
Créée en 2018 par Guillaume Moubèche, François et Vianney Lecroart a connu une croissance étourdissante. Au bout de 3 ans d'activité, Lemlist compte plus de 10000 clients à travers le monde et génère 5 millions de dollars d'ARR (Annual Recurring Revenue) pour une équipe de seulement 35 personnes.
Ce résultat est d'autant plus remarquable que Lemlist fait partie des rares startups françaises qui bootstrappent, c'est-à-dire qui s'autofinancent. Guillaume Moubèche, nous explique l'impact de ce choix insolite sur sa stratégie RH.
Pourquoi créer une startup en bootstrapping ?
Les cofondateurs de Lemlist se sont fait récemment remarquer pour avoir organisé une levée de fonds et finalement refusé une offre à 30 millions de dollars !
Leur but ?
Rester libres et en hypercroissance
Montrer que le succès d'une entreprise doit passer par d'autres critères que l'argent levé
Se focaliser sur l’aide apportée à leurs clients
Permettre à leurs collaborateurs de s'épanouir et de monter en compétences sans la pression des investisseurs.
Par chance, la société au capital de 1000€ s'est révélée rapidement très rentable, ce qui a rendu une levée de fonds superflue.
En quoi les RH sont-elles différentes dans une stratégie de bootstrapping ?
Un recrutement différent :
Priorité au support
En termes de recrutement, Guillaume Moubèche donne la priorité au service client car la satisfaction du client est primordiale pour sécuriser l’entreprise alors que ne pas recruter tout de suite sur la partie sales et marketing ralentit simplement sa croissance.
Des seniors pour la partie tech
François et Vianney Lecroart, très expérimentés pour la partie technique, prennent le temps de recruter d'excellents seniors qui ont tous au moins entre 10 et 15 ans d'expérience.
“On sait qu'un très très bon développeur, c'est l'équivalent de 10 à 15 juniors.”
Les avantages d'une petite équipe
Il est faux de croire que plus une entreprise recrute, plus elle grossit vite car cela freine son accélération : plus de réunions, moins de leaders, des problèmes d'organisation...
Des juniors pour le business
Sur les postes marketing ou sales, Guillaume Moubèche a choisi d’embaucher des juniors avec peu d'expérience mais “une grosse envie d'apprendre“, qu’il prend le temps de former lui-même avec un haut niveau d'exigence.
Autre avantage, ils ont souvent un meilleur état d’esprit que des candidats plus expérimentés qui ont tendance à se considérer comme des experts.
Où trouver des « pépites » ?
Pour le recrutement, Guillaume Moubèche saisit les opportunités offertes par les candidatures spontanées et cultive son réseau. La rentabilité de la startup est élevée donc “le budget n'est jamais un problème”.
Pour ce qui est du monitoring, l'observation suffit à voir si la personne est compétente ou pas aussi bien en développement qu'en sales ou en marketing..
Le niveau d'exigence élevé de Lemlist a d’ailleurs des conséquences positives sur l'équipe qui apprécie beaucoup d'être stimulée et challengée. De plus, “ça attire aussi des personnes qui ont envie de se dépasser.” .
De la liberté pour monter en compétences
Au-delà du temps dédié à sa mission principale, chaque employé de Lemlist dispose de 25 à 30% de son temps pour mener d'autres projets, évoluer ou se former sur des sujets qui le motivent.
Comment faire grandir les talents ?
Dans la partie technique
Dans la partie “tech”, dirigée par Vianney et François Lecroart, tous les développeurs ont beaucoup d'expérience. Mais les deux frères “arrivent à challenger et faire monter en compétences même des gens qui ont 15 ans d'expérience”.
Dans la partie business
Pour la partie business, c'est Guillaume Moubèche qui passe du temps à manager les nouveaux-venus.
Il s'appuie aussi sur Vuk, le premier employé de la startup, devenu « head of growth » qu'il a lui-même fait monter en compétences et qui bénéficie aujourd'hui de l’accompagnement d’un coach externe.
Le networking
Une autre solution consiste à utiliser des KPI (Key Performance Indicators) qui amènent les membres de chaque département à rencontrer 5 personnes en dehors de leur réseau. Cela a plusieurs avantages : ça les aide à utiliser Lemlist, et donc à faire des feedback et enfin ça leur permet de rencontrer des membres d'autres startups dont ils peuvent s'inspirer afin d'améliorer Lemlist.
Une équipe internationale construite à distance
Bien qu'étant tous en France, les confondateurs de Lemlist ont travaillé en remote dès le premier jour du fait de leur éloignement géographique, chacun se concentrant sur ses tâches.
“Au début, le fait d'avoir des ressources limitées nous a forcés à faire un choix de remote donc à ne pas avoir de bureau et aussi à distribuer, et en fait, cette contrainte a été un avantage pour la suite”.
Ainsi l’équipe business a d’abord été construite avec des personnes recrutées en Serbie, parlant toutes parfaitement l’anglais. Le télétravail était déjà en place donc l’organisation s'est faite facilement...
En revanche, ils ont vécu une très mauvaise expérience avec le recrutement d'un développeur freelance au Brésil, qui s'est révélé incompétent et a créé d'énormes bugs avant de partir avec le code d'un de leurs sale project.
Freelance ou CDI ?
Chez Lemlist, les personnes basées à l'étranger sont considérées comme des employés et même si elles ont un contrat de freelance, il se rapproche d'un CDI et leur apporte beaucoup d’avantages.
Certaines personnes s'épanouissent en télétravail tandis que d'autres aiment travailler dans des bureaux et être entourées. Les deux situations sont parfaitement compatibles.
Levée de fonds vs bootstrapping : mythes et réalité
Mythe n°1 : il est impossible de travailler en remote
Il y a 3 ans, tout le monde disait qu'il était important d'avoir des bureaux pour se lancer, et qu'il était impossible de monter une entreprise à distance, avec les membres de l’équipe à des endroits différents. La crise du Covid a prouvé le contraire.
Mythe n°2 : on ne peut pas construire une culture d'entreprise en remote
Chez Lemlist, la culture est très forte. Elle se construit avec tout le monde et ça fonctionne très bien.
Mythe n°3 : plus tu recrutes, plus tu vas faire de chiffre d'affaires
“C’est totalement contre-intuitif, mais avoir des petites équipes, ça permet aussi de responsabiliser beaucoup chaque personne” et donc d'éviter l'inertie et le manque d'innovation des grands groupes, affirme Guillaume Moubèche.
Quand une startup reçoit beaucoup d'argent, elle a certes plus de choix mais risque aussi de s'éparpiller.
Estimer la performance
Le bootstrapping oblige à aller sur le terrain. Guillaume Moubèche a passé 18 mois à faire seul le marketing, le sales et le support. Aujourd'hui, il sait juger la performance d'un collaborateur, contrairement à un créateur de startup qui recrute des gens pour faire des choses qu'il n'a jamais faites.
Similitudes avec l'infoprenariat
Le fonctionnement de Lemlist a quelques similitudes avec le milieu des infopreneurs : le focus sur la construction et la rentabilité avant la croissance, de petites équipes qui font de l'argent, comme Stan Leloup et sa chaîne Youtube Marketing Mania, la répartition des tâches et bien sûr, l’absence de levée de fonds !
Pour résumer :
L’autofinancement a poussé les confondateurs de Lemlist à adapter leur stratégie RH avec succès. Ils ont construit une équipe réduite, dense en talents, où chaque membre est élevé à son potentiel maximum. Le travail à distance et le recrutement à l’international sont la norme. La partie business recrute surtout des juniors alors les développeurs sont principalement des seniors. Ce modèle novateur casse les préjugés sur le bootstrapping et a permis à l’entreprise d’atteindre un haut niveau de rentabilité !
Les ressources recommandées par Guillaume Moubèche
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